"Parcours Croisés" - Suite - Chapitre 36
Parcours croisés Samedi
Chapitre 36
Annie
Un rai de lumière sur le visage ma réveillée. Martina ou Alain, lun des deux a dû se lever dans la nuit : les volets étaient grands ouverts sur la nuit et ils sont tirés maintenant, pas assez
Alain me tourne le dos et Martina a une jambe en travers des miennes, les draps sont repoussés au pied du lit. Jai mal partout. Surtout sur les hanches et les fesses
cest par là quAlain me cramponnait
hier soir on na pas fait lamour, on a baisé !
quest-ce que cétait bon ! Tout doucement je repousse la jambe de Martina et je me glisse vers le pied du lit pour ne pas les réveiller en les enjambant. Je remonte le drap sur eux jusquaux épaules et je prends le réveil sur la table de nuit avec moi : moi je naime pas me réveiller en sursaut avec une sonnerie, tâtonner de la main pour chercher le réveil
je naime pas ça
je nai pas lintention de me recoucher, de toute façon, je les réveillerai moi-même.
Passage par les toilettes, un coup dil dans le miroir, jarrange mes cheveux, et jenfile un grand t-shirt pris sur une étagère de la salle de bains.
Il est 6h45 à lhorloge de la cuisine
et le réveil devait sonner à ? Comment ça marche ce truc
ah oui ! En le basculant sur une des quatre faces
7h15
bon, jai le temps ! Un jus dorange dabord et je cherche le café pour Alain, le thé pour Tina
pas là
non plus
ah ! Voilà ! Et leurs mugs sont dans le placard de gauche, ça je sais !
Jai ouvert la porte-fenêtre de la terrasse et bu ma première tasse de café. Le chat de la vieille dame du bout de la rue est au pied de lérable. Il a à peine daigné tourner la tête vers moi un instant et a repris la surveillance des oiseaux dans larbre, immobile à part de petits mouvements doreille quand je bouge, et son bout de queue qui sagite. Le ciel est encore tout bleu aujourdhui.
Un sucre pour Alain, un demi pour Tina
Elle a roulé vers Alain, passant un bras au-dessus de lui.
- Quelle heure ?
- 7h00
- Comment tu vas, ma douce
bien dormi ?
ma douce
- Ça va
Il remarque son érection, et pose loreiller par dessus. Jenlève loreiller
je fais le tour du lit et me couche contre Tina, emboîtée dans son dos ; je frotte sa hanche du plat de la main
elle ne bouge pas
avance le bras et pose la main sur le sexe dAlain :
-
bjour, chéri
bjour ma puce
ma puce
en donnant un petit coup de fesses, cest moi, sa puce ?
Alain se lève et part vers la salle de bains en emportant son mug.
-
je tai préparé un thé
Elle se redresse, tend le bras et prend son mug :
-
je bois dabord
je te dis bonjour après
cest mieux
Lentement, du bout des lèvres elle aspire son thé plus quelle ne le boit, le mug serré à deux mains ne quitte pas son menton :
- Si tu nous sers comme ça tous les matins, je tachèterai un petit tablier blanc, cest plus joli que ton truc, cest ce quil met pour bricoler
je ne sais même pas sil est propre
Non, il ne sort pas du lavage
il a dû le mettre et transpirer un peu, jai senti en lenfilant, et ça ma plu
Tina finit son thé, pose le mug sur le lit et me prend dans ses bras en me roulant dessus, mécrasant sous elle et plantant pleins de petits baisers sur mes joues, ma bouche, mes yeux
- Ma ptite portugaise damour à moi
- Ooohh ! Ça ce nest pas gentil !
Alain nous a trouvées en train de nous battre dans le lit :
- La douche est libre ! Ne me mettez pas en retard !
- On y va !
Jai pris ma douche la première pendant que Martina faisait pipi
elle a hésité, et puis a haussé les épaules en sasseyant sur les toilettes
- Tu thabilles comment ?
- Sais pas, faut que jaille chez moi chercher des fringues, à moins que je reste comme hier, mon pantalon et le caraco
- Oui, tu peux, tétais belle
je mettrai un pantalon aussi
On est arrivés au bord de la Marne un peu avant neuf heures.
en chaussettes, avec leur maillot une pièce en lycra moulant
waouh ! sacrés morceaux ! et
révélateurs, ces maillots
Tina ma poussé du coude et dun signe de la tête ma montré les promeneurs en vélo qui sétaient arrêtés au bord du chemin devant le ponton : les deux filles les plus jeunes riaient, se parlant en se cachant derrière leurs mains, et la mère pinçait les lèvres lil brillant
et nous aussi, on riait de voir leur air admiratif, un peu fières quand même
Ils sont montés en même temps, un pied sur le ponton, un pied dans le bateau, pendant que Martina le retenait par la pointe. Ils ont enfilé les chaussures déjà fixées dans les cale-pieds, vérifié la fixation des rames
bon, ça va
ooh ! Les avirons ! Les pelles !
et en se repoussant de la main, ils se sont écartés du ponton. On les a regardés séloigner un petit moment et on a repris la voiture pour aller au marché du centre ville ; ils nous retrouveraient à lOasis vers midi.
Ça faisait bien longtemps que je nétais pas venue au marché, et avec le beau temps, cétait très agréable
et puis les regards de ceux qui se retournaient quand Martina me tenait la main
rien que ça, ça valait la peine ! On a acheté des tomates et des fleurs, des pommes et un concombre. Jai mis longtemps à le choisir, ce concombre, et Tina a donné son avis ; le petit jeune homme qui nous servait est vite devenu très rouge alors que son patron rigolait en nous faisant des clins dil ; par contre la dame qui attendait son tour à côté de nous est partie en rouspétant : «
cest honteux
» ; La femme du patron riait aussi en donnant une bourrade au petit jeune homme : «
allez, petit, aide ces dames à choisir ! y en faut un bien ferme !
». On a aussi acheté du poisson pour le soir, enveloppé de glace pilée, que Martina a confiée au patron de lOasis pour le tenir au frais, avant quon aille à la librairie dire bonjour à Christophe.
Il nétait que 11 heures, mais passer une heure dans une librairie ne me gênait pas, bien au contraire, et puis Christophe était vraiment content de nous voir. Il a attendu davoir encaissé un client pour venir nous embrasser :
- Deux jolies femmes en même temps ! Vous éclairez ma journée !
Il nous a raconté son retour mercredi soir avec Jonathan qui sétait réveillé en cours de route :
-
sinon il aurait dormi dans la voiture ! Vous me voyez le traîner à son deuxième étage ? Jamais je ny serais arrivé !
Il a pris des nouvelles de Véro, et comme la boutique était vide, Martina lui a raconté avec beaucoup de détails comme à son habitude le départ de Marco et de son camion. Jai ajouté quelques précisions et à mon ton et à la manière dont je racontais, le pli dinquiétude sur son front a vite disparu :
-
reste maintenant à me trouver une occupation autre que seulement mes fleurs ! jai envie de sortir de chez moi, de voir du monde !
- Elle pourrait se contenter de gérer ses affaires, ça serait déjà beaucoup !
- Ses affaires ?
et Martina, cette fois sans trop insister, en restant plus discrète quà son habitude, a expliqué à Christophe quil avait devant lui la « presque propriétaire » du village entier. Ça, elle na pas pu sempêcher de le dire!
- Et tu cherches quoi au juste
à priori pas un salaire, si jai bien compris ! Tu as une idée ?
- Non
pas la moindre idée
mais je ne suis pas difficile ! Jaimerais : voir du monde, être assez libre de mon temps, un travail agréable avec des gens sympathiques, près de chez moi, euh
quoi encore
cest tout je crois !
- Effectivement, tu nes pas difficile ! Tu ferais le bonheur dun employé de lANPE ! Il te suffirait dajouter « salaire motivant » et « belles perspectives de carrière » et il te baiserait les pieds !
Pendant la discussion, Martina ne retenait aucun de ces petits gestes que jaimais tant. Elle me frôlait la joue, passait sa main dans mon cou, me pressait la main en sappuyant contre moi
Christophe, accoudé à un présentoir nen perdait rien et souriait comme un chat qui tient sa proie.
- Annie, tu aimes les livres je crois ?
- Oui, jen use et jen !
- Alors !
imagine un vieux libraire qui aimerait quelques matinées ou quelques après-midis par semaine, séloigner de sa boutique et profiter dun peu de ce temps gagné pour se consacrer à quelque activité pour laquelle il regrette davoir trop peu de temps
il aurait besoin de
- OUI !
- Oui ? Mais je nai pas fini
les périodes de cette liberté de notre vieux libraire seraient bien sûr négociables à lenvie, mais malheureusement le salaire ne pourrait-être bien élevé
Jai passé mes bras autour de son cou et je lai serré très fort contre moi :
- Jai dit oui ! Arrête !
Ces yeux brillaient quand je me suis écartée de lui :
- Si je continue un peu en développant quelques arguments, est-ce que tu me serreras à nouveau dans tes bras ? Mais pas trop tout de même, je vieillis belle , ménage mon pauvre cur !
Je lai à nouveau pris dans mes bras, plus doucement, et lai embrassé sur la joue en le quittant :
- Ça me plairait tellement ! Tu viens dinventer ça ?
- Mais non voyons ! Jaimerais te mentir, te dire que je suis prêt à tout pour de si beaux yeux, mais non, regarde !
Il a tiré de sous le comptoir un exemplaire du petit journal local ouvert à la page des annonces classées sur laquelle était entourée en rouge un petit texte quil ma donné à lire :
- « Recherche employé(e) librairie - environ 20 heures/semaine - mardi au vendredi - salaire base SMIC à négocier selon profil. Tél. :
»
Jai posé le journal sur le comptoir et sorti lunettes et téléphone portable de mon sac, composé le numéro.
Martina secouait la tête en riant pendant que Christophe faisait le tour du comptoir et sarrêtait à côté du téléphone, main suspendue au-dessus.
- Vous savez que vous êtes deux grands malades ?
- Chut ! Jattends un appel !
Il a décroché à la deuxième sonnerie en me tournant le dos :
- Bonjour, librairie du Parc !
Jai pris ma voix la plus douce et la plus sensuelle :
- Bonjour, je suis celle que vous cherchez, et vous êtes celui que je cherche ! Rencontrons-nous, voulez-vous ?
Il a reposé le téléphone sur son socle en se retournant vers moi :
- Même au téléphone, tu es belle ! Ces mots-là vingt ans plus tôt
mardi ?
- Mardi !
- Oooh ! Non ! Tu pleures déjà
avant quon ne parle du salaire
Trois jeunes gens sont rentrés dans la librairie à ce moment-là :
- Ah ! Annie ! Je te présente mon fils Kevin, la jeune Nelly, et tu connais Jonathan, bien sûr !
Kévin ma serré la main distraitement et a disparu dans vers larrière de la boutique sans même dire bonjour à Martina. La jeune fille blonde à lair triste ma tendu la main mais je me suis approchée pour lembrasser sur une joue, et Jonathan sest avancé pour membrasser aussi mais sest arrêté à distance, interdit :
- Tas pleuré, Annie ?
Je nai pas trop réfléchi :
- Jai fichu mon mari à la porte !
Lui a fait un « Oh ! » désolé, alors que Martina Christophe et moi, après un temps, avons éclaté de rire.
- Ben ce nest pas drôle
Il fini par membrasser sans rien comprendre, lair malgré tout de se dire quon était un peu fous
Nelly, la jeune fille à lair triste, a embrassé Martina et Christophe, à qui elle a fait un petit geste pour lattirer à lécart, et sest éloignée, suivie de Christophe.
Il avait lair soucieux quand il est revenu vers nous :
- Nelly était la petite amie de mon fils
était
jusquà très récemment, une petite heure. Martina, excuse sa grossièreté de toute à lheure, il ne ta même pas dit bonjour.
- Ce nest rien, ne ten fais pas !
Jonathan avait rejoint Nelly, assez loin de nous, et Christophe a baissé la voix :
- A vrai dire, je ne les ai jamais vus très proches ou très amoureux comme on lest à leur âge dhabitude
une relation je crois très platonique
ce qui avait lair dagacer Kévin, ma-t-il semblé en quelques occasions
Impatience de la jeunesse !
- Elle aussi a lair triste !
-
je lui ai toujours connu cette mine
triste et réservée
Annie, je te ferai découvrir en détail les lieux mardi, mais jaimerais des idées neuves, découvre donc par toi-même pendant que juvre
Christophe sest approché des présentoirs où un couple entré à la suite des jeunes feuilletait quelques livres au hasard en jetant un il vers nous, visiblement en attente daide.
Martina ma prise par la taille :
- Contente ?
- Bien plus que ça ! Je ne pouvais pas espérer mieux ! La vie est belle !
Martina ma embrassée sur la joue. Du coin de lil jai vu Christophe secouer la tête et soupirer
- Je te laisse te promener, moi je vais essayer de trouver le fameux rayon de livres dont nous a parlé Christophe !
Je suis sortie du magasin pour aller voir la vitrine depuis le trottoir ; des romans récemment parus, quelques livres documentaires, le livre dun journaliste de télé qui faisait scandale.
En entrant dans la librairie, jai regardé dun il différent de celui que javais dhabitude : peu de place, des livres très différents empilés les uns sur les autres
et les rayonnages muraux étiquetés par thèmes, littérature s, romans jeunes, livres scolaires et annales. Je me suis promenée le nez en lair, regardant tout ce que je navais jamais vu les quelques fois où jétais venue acheter un livre. Nelly et Jonathan étaient toujours là, en face du même rayon depuis leur entrée : médecine
oh
Jonathan sortait et reposait des livres, Nelly feuilletait
je nimaginais pas Jonathan sintéresser à la médecine. Par curiosité tout en essayant dêtre discrète jai regardé quelques titres quils feuilletaient
Martina venait de me dire que Kévin et Nelly étaient tous deux étudiants en Lettres
et les titres des livres consultés mont semblé bien loin des préoccupations habituelles dune étudiante en Lettre. Et puis quelque chose me surprenait dans leur attitude, leur attitude vis-à-vis lun de lautre
ils se tenaient à distance, mais les regards, les chuchotements, démentaient cette distance ; ils avaient lair complices, cest ça, complices et proches ! Un petit amour entre eux ? Du peu que je savais de Jonathan, je trouvais étonnant quils soient proches, et pourtant
jai surpris une grimace de Nelly et aussitôt linquiétude sur le visage de Jonathan
et ces livres de médecine
curieux
Jai continué ma visite en essayant de les oublier.
Martina, où est passée Martina
A larrière de la librairie, deux grands rayonnages forment comme un mur laissant malgré tout le passage à droite et à gauche, un passage plus étroit au milieu. La voilà, assise sur un petit escabeau, bien utile avec des rayons aussi haut, en train de feuilleter une bande dessinée :
- Tu aimes les BD ?
Elle a levé les yeux sur moi, comme prise en faute, et puis elle ma adressé un petit sourire coquin :
- Dhabitude non, mais celle-là
je la ramènerais volontiers à la maison
et elle irait très bien dans ton armoire secrète
regarde !
Je me suis penchée sur son épaule
- Mais cest cochon !
- Ouais ! Et ça ressemble aux histoires de Christophe ! regarde-ça !
Les planches dessinées étaient surtout en blanc et noir : pleine page, une femme de dos et nue attachée par les poignets à une poutre du plafond avait les jambes entravées très écartées par une barre, ses chevilles prises dans des bracelets, de cuir, sans doute. A ses côtés une seconde femme en guêpière noire sur des talons aiguilles interminables lui cinglait les fesses avec une cravache : seule note de couleur de la page, les striures sanglantes sur les fesses dun rouge violent. A larrière plan un homme nu doté dune érection disproportionnée, visage cagoulé, était attaché aux poignets et aux chevilles sur une croix de Saint-André
En feuilletant, elle sest arrêtée sur une autre page : la même jeune femme toujours aussi nue à plat ventre sur un chevalet se faisait sodomiser par la femme aux talons aiguilles équipée dun gode énorme
sur la page suivante, cest lhomme qui se faisait sodomiser pendant que le jeune femme aux fesses zébrées le suçait
Martina a levé les yeux vers moi :
- Deux femmes, un homme
ça ne te donne pas des idées à toi ?
Elle est revenue sur la première image
- Prends-le Martina, je te loffre ! Mais promets-moi de te contenter du plaisir des yeux !
Christophe nous regardait, dun il rieur. Il sest approché et baissé vers loreille de Martina :
- Nabîme pas la jolie peau de ma nouvelle employée
Martina a marqué un temps darrêt et a refermé la BD :
- Et si cétait elle qui abîmait ma jolie peau ?
- Je la gronderais bien sûr
sauf si je vois les photos !
- Oh ! Christophe ! Tu ne me défends même pas !
-
parce que jai confiance en elle, voyons !
Il est parti en riant, et a repassé la tête au coin du rayonnage deux secondes plus tard :
- Mais pense aux photos, Annie ! Et il a disparu à nouveau
Tina sest tournée vers moi
amusée
faussement en colère
troublée aussi
- On le prend ?
- On le prend !
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